• Expérience de mort imminente (EMI)

    La science face aux expériences 
    de mort imminente

    Une réalité pour des millions de personnes dans le monde, une simple hallucination pour d'autres. Quelqu'un dont le cœur s’est arrêté de battre et dont le cerveau ne produit plus d'activité peut-il vivre l’expérience d’une autre réalité et s’en souvenir ? Que dit la science sur les expériences de mort imminente ?
    Alors qu’elles ont été déclarées cliniquement mortes lors d’une opération, des milliers de personnes relatent être sorties de leur corps et avoir vu et entendu tout ce qu’il se passait : les propos échangés entre médecins et infirmières, la musique écoutée durant l’opération, etc… Des détails visuels et des propos souvent vérifiés et confirmés une fois la personne revenue à la vie par l’équipe médicale… déstabilisée par une réalité difficilement explicable suggérant l’hypothèse d’une conscience délocalisée.

    En 1969, le Dr Pim van Lommel, considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs spécialistes des expériences de mort imminente au monde, alors jeune cardiologue, arrive à « ressusciter » un patient victime d’un arrêt cardiaque. A l’époque, c’est extrêmement rare. Avant l’apparition des techniques de réanimation cardio-pulmonaire, les victimes d’arrêt cardiaque mouraient. L’équipe est donc très satisfaite de cette réussite. Le patient, lui, est au contraire « déçu »... Il raconte alors ce qu’il vient de vivre : le tunnel, la lumière, les paysages magnifiques… Ce témoignage constitue une véritable surprise pour le jeune médecin. Il n’a encore jamais entendu parler des EMI : « J’avais toujours appris dans mes études médicales que la conscience était le produit de nos fonctions physiques », précise-t-il lors d’une conférence organisée par l’INREES. Plusieurs années passent et dans les années 80, le Dr Pim van Lommel découvre le livre Retour de l’au-delà de George Ritchie, médecin, racontant son expérience de mort imminente lors d’un arrêt cardiaque et d’un arrêt du cerveau ayant duré six minutes. C’est le déclic. Nous sommes en 1986 et le Dr Van Lommel décide de s’intéresser au sujet. Il demande à ses patients ayant survécu à un arrêt cardiaque s’ils ont eu une EMI. En deux ans, douze sur une cinquantaine lui affirment que c’est bien le cas. « Selon la science de l’époque, c’était impossible. Il y a une théorie consensuelle qui postule que la conscience est un produit du cerveau. Dès lors, quand le cerveau ne fonctionne pas, il ne peut pas y avoir de conscience. » analyse le cardiologue. Or, les personnes rapportant leur EMI montrent au contraire qu’elles ont un état de conscience alors que leur cœur s’est arrêté de battre et que leur cerveau ne fonctionne plus. 

    Une étude scientifique et des questions

    Pour le cardiologue, cela devient une curiosité scientifique. En 1988, il décide de mener une étude prospective sur 344 survivants d’arrêt cardiaque dans dix hôpitaux hollandais. Ces patients sont interrogés cinq, puis huit ans après l’incident. 18% d’entre eux rapportent avoir vécu une EMI. En 2001, les résultats de cette étude sont publiés dans la célèbre revue médicale The Lancet et font l’effet d’une bombe : « Cette étude a démontré qu’une conscience lucide, avec des souvenirs et des perceptions, est possible pendant une période d’inconscience, donc indépendamment du cerveau et de l’organisme, explique le Dr Pim van Lommel. Cette conclusion s’est imposée à partir de preuves incontestables que l’EMI se produit bien pendant la période de mort clinique, et non juste avant ou juste après un arrêt cardiaque. Il s’agit d’une expérience authentique, qui ne peut être attribuée ni à l’imagination du patient, ni à sa peur de la mort, ni à une hallucination, une psychose, des médicaments, ou tout autre cause physiologique ». Ces résultats interpellent non seulement sur la survie de la conscience après la mort du cerveau mais aussi sur sa localisation : « Les patients qui m’ont raconté avoir fait une EMI pendant un arrêt cardiaque avaient perçu clairement leur environnement et le récit qu’ils en faisaient pouvait être clairement vérifié. Si l’hypothèse selon laquelle la conscience et les souvenirs sont localisés dans le cerveau était exacte, il ne pourrait y avoir aucun signe de conscience au moment où le cerveau ne manifeste plus d’activité. Cette découverte nous contraint à reconsidérer la relation entre cerveau et conscience. Car comment pourrait-on jouir d’une conscience exceptionnellement lucide pendant une période d’interruption de toutes les fonctions mesurables du cerveau ? » s’interroge le cardiologue.

    Le cerveau émetteur-récepteur de la conscience

    En prouvant que les EMI se produisent dans les moments d’inconscience, précisément quand le cerveau ne peut plus fonctionner, les résultats de cette étude prospective remettent en cause l’hypothèse, jamais démontrée, selon laquelle la conscience est produite par le fonctionnement du cerveau. « Quand on parle du cerveau et de la conscience, selon mon opinion, le cerveau ne produit pas la conscience. Le cerveau est un facilitateur, il rend possible le fait de faire l’expérience de la conscience. Le cerveau, mais également le corps, sont des émetteurs-transmetteurs. Comparez cela avec un ordinateur. Vous pouvez recevoir plus de 1 milliard de sites web, mais ces derniers ne sont pas produits par votre ordinateur. Pour recevoir la conscience, nous avons besoin de notre corps. Votre cerveau est l’instrument, mais ce n’est pas lui qui produit la conscience. Il ne fait que la transmettre. La conscience n’est pas localisée dans le cerveau, elle a un aspect non-local, c’est-à-dire en dehors de l’espace et du temps. » explique le spécialiste des EMI. 

    La frontière de la mort sans cesse repoussée


    Cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi les personnes ayant vécu une expérience de mort imminente rapportent par exemple des souvenirs du passé retrouvés lors du panorama de vie, ou la vision d’évènements futurs. Mais pas seulement. « Ce modèle de cerveau émetteur-récepteur de conscience permettrait d’expliquer à la fois la médiumnité, c’est-à-dire la réception d’informations qui viendraient d’une autre dimension mais aussi des phénomènes télépathiques. » observe le Dr Jean-Jacques Charbonier, médecin et anesthésiste. Au sujet des EMI, il préfère employer l’expression d’expérience de mort provisoire (EMP) : « Les personnes sont véritablement mortes durant le laps de temps où le cœur s’est arrêté de battre et où leur cerveau n’était plus en activité. On a en effet pu démontrer que dans les quinze secondes qui suivent le dernier battement cardiaque, il n’y a plus aucune activité électrique décelable au niveau du cortex cérébral. On peut donc dire que toutes les personnes qui ont vécu un arrêt cardiaque et sont revenues ont bien vécu un état de mort clinique. ». En soins intensifs de réanimation, pour diagnostiquer un arrêt cardiaque, il y a une période incompressible d’au moins une minute avant que l’infirmière ne se rende auprès de la personne et lui fasse les premiers massages cardiaques. Les personnes ayant vécu une « expérience de mort provisoire » parlent d’une frontière qu’elles n’ont pas pu franchir, explique le Dr Charbonier, qui a suivi les progrès en matière de réanimation permettant d’aller rechercher les personnes de plus en plus loin dans le processus de la mort. « Peut-être qu'un jour le point de non retour actuel évoluera en fonction de nos capacités de réanimation, et qu'il sera alors possible de franchir cette frontière. Des gens nous diront peut-être "Je suis quand-même passé au-delà de la frontière, derrière la lumière" ». Ce jour là, nous serons peut-être en mesure d’en savoir plus sur l’existence éventuelle d’une vie après la vie.