• L'aspirine, un produit miracle ?

    L’aspirine, un produit miracle?

     
    S’il est un médicament que l’on trouve dans toutes les boîtes à pharmacie des ménages, c’est bien l’aspirine. Antidouleur, anti fièvre et anti-inflammatoire, l’aspirine apparaît en effet comme la panacée universelle, ou presque.

    Mais tous les bienfaits qu’on lui prête sont-ils réels? Inversement, quid des effets secondaires qu’on lui attribue? Et que contient ce remède?

    Questions-réponses, avec le docteur Pierre Fontana, chef de clinique dans le Service d’angiologie et d’hémostase de l’Hôpital cantonal universitaire de Genève.

    L’aspirine diminue la douleur, la fièvre et les inflammations. VRAI. L’aspirine agit principalement en diminuant la production de prostaglandines. Il s’agit de molécules qui sont produites par le corps pour assurer différentes fonctions. Leur production augmente fortement lors d’inflammations et d’infections. L’aspirine diminue cette production de prostaglandines dans une partie du cerveau (l’hypothalamus, qui comprend le centre de régulation de la température corporelle) et, ainsi, fait tomber la fièvre, mais aussi diminue les douleurs et les inflammations.

    Elle fait saigner l’estomac. VRAI. Mais pas toujours. Les parois intérieures de l’estomac sont tapissées d’une sorte de film qui protège l’organe des acides digestifs. Ce film protecteur est fabriqué grâce aux prostaglandines. Or, répétons-le, l’aspirine inhibe la production de prostaglandines, donc de cette protection. Ce qui peut conduire à la formation d’un ulcère, selon la dose d’aspirine prise ainsi que la durée du traitement.

    L’aspirine fluidifie le sang. VRAI. L’aspirine a un effet antiagrégant sur les plaquettes sanguines. Les plaquettes sont des petits fragments de cellules. Ceux-ci contiennent des substances chimiques actives qui permettent le processus de la coagulation sanguine. Mais, pour leur bon fonctionnement, les plaquettes ont besoin des prostaglandines. Or, à nouveau, comme la production de prostaglandines est inhibée par l’aspirine, l’agrégation des plaquettes est également inhibée. Le sang coagule alors moins et est donc plus fluide.

    Elle est déconseillée aux personnes ayant souffert d’un infarctus. FAUX. C’est même le contraire. Comme expliqué plus haut, elle fluidifie le sang. Du coup, elle réduit les risques de formation des caillots de sang dans les vaisseaux sanguins. C’est pour cela qu’on prescrit l’aspirine à faible dose aux personnes ayant déjà été victimes d’un infarctus.

    Toujours à faible dose, et chez certains patients n’ayant pas fait d’infarctus mais étant à hauts risques par rapport à cette maladie (tabac, alcool, diabète, cholestérol ou hypertension, par exemp le), l’aspirine permet aussi de diminuer les risques d’accidents cardiovasculaires.

    L’aspirine permet de réduire les risques de cancer. VRAI. Mais ce sujet est encore controversé. Plusieurs études ont montré que la prescription d’aspirine en doses importantes pourrait diminuer l’incidence des polypes et des cancers du colon.

    Attention: les effets secondaires potentiels (hémorragies) font qu’en règle générale, il n’est pas recommandé de prendre de l’aspirine pour se prémunir contre les risques de cancer du colon.

    Elle a un effet positif sur la procréation. FAUX. En ce qui concerne la procréation in vitro, l’aspirine ne permet pas d’augmenter les chances d’être enceinte. En général, l’aspirine est déconseillée aux femmes enceintes, en particulier lors du troisième trimestre de la grossesse, car cela compromet la circulation sanguine du fœtus, notamment. En cas de migraine, par exemple, il est plutôt conseillé aux femmes enceintes d’utiliser du paracétamol.

    Il existe cependant certaines pathologies (hypertension gravidique) pour lesquelles la prise d’aspirine peut être prescrite pendant la grossesse, mais seulement sous contrôle médical.

    L’aspirine peut être prescrite aux jeunes enfants. FAUX. Bien que le lien n’ait jamais été établi formellement, l’aspirine pourrait provoquer des effets secondaires rares mais graves chez les jeunes enfants ayant une infection virale. Ici aussi, l’aspirine est à remplacer par le paracétamol ou l’ibuprofène.

     

    Il était une fois…

    Acide acétylsalicylique: c’est la dénomination médicale internationale de l’aspirine. Il s’agit d’un dérivé de l’acide salicylique. Ce terme vient du nom latin du saule (salix). Dans l’antiquité, les vertus curatives de l’écorce de cet arbre étaient déjà connues. L’aspirine moderne est due à Felix Hoffmann, un chimiste allemand de Bayer, qui, en 1987, trouva le moyen d’obtenir de l’acide acétylsalicylique pur. Deux ans plus tard, Bayer déposait le brevet et la marque. Mais apr ès la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles, la marq ue et le procédé de fabrication tombèrent dans le domaine public dans de nombreux pays.
    Fabrice Breithaupt