• L'endroit le plus profond de la mer

    James Cameron à 11 kilomètres sous la mer : un exploit historiqueture

    James Cameron, 57 ans, est devenu hier le premier homme à explorer en solo pendant plusieurs heures, à bord d'un mini sous-marin, le site le plus profond connu de la croûte terrestre./ Photos AFP et MaxPP

    James Cameron, 57 ans, est devenu hier le premier homme à explorer en solo pendant plusieurs heures, à bord d'un mini sous-marin, le site le plus profond connu de la croûte terrestre./ Photos AFP et MaxPP

    Le réalisateur de « Titanic », « Abyss » et « Avatar » a touché le fond de la fosse des Mariannes dans un mini sous-marin. Un exploit pour la science.

    La suite d'Abyss ? Probablement que le cinéaste américain James Cameron s'est pris pour l'acteur Ed Harris, qu'il avait dirigé et que l'on voit descendre dans les profondeurs des océans dans le film Abyss pour y rencontrer des extraterrestres. Pour l'heure, cette expérience humaine unique n'a rien d'un long-métrage de science fiction. James Cameron, 57 ans, est pourtant devenu hier le premier homme à explorer en solo pendant plusieurs heures, à bord d'un mini sous-marin, le site le plus profond connu de la croûte terrestre, dans la fosse des Mariannes (océan Pacifique), par plus de 10 km de fond. Sa mission : ramener images et spécimens destinés à « mieux connaître et comprendre cette partie largement inconnue de la planète », selon le National Geographic qui pilote l'expédition Deepsea Challenge. Après une remontée plus rapide que prévu, en 70 minutes, le mini sous-marin du réalisateur, baptisé par l'expédition la « torpille verticale », a refait surface à 500 km au sud-ouest de l'île américaine de Guam.

    La fosse des Mariannes, longue cicatrice de 2,550 km de long dans l'océan Pacifique, atteint les 11,2 km de fond au point Challenger Deep, une profondeur où pourrait être englouti le mont Everest (8,850 m). Il s'agit de l'endroit le plus hostile du globe, plongé dans une obscurité permanente. Cameron, qui totalise 72 plongées à son actif dont douze pour tourner « Titanic » (dont la version 3D sort sur les écrans), a alterné yoga et jogging chaque jour pour parfaire sa forme physique. Coincé dans un cockpit aussi « étroit qu'une capsule Apollo », il a film » en 3-D les fonds grâce à de puissants projecteurs et devait ramasser des spécimens qui seront étudiés en biologie marine, astrobiologie, géologie marine ou géophysique.


    "Au fond des mers, la vie est partout"

    Le cinéaste James Cameron vient de réaliser un exploit, tant sur le plan humain que scientifique en atteignant le fond de la fosse des Mariannes à plus de 10 km de profondeur, qu'en pensez-vous ?

    Au début, j'ai été un peu perplexe. Je le suis toujours. Je me demande encore à quoi ça sert de descendre aussi profond pour un homme.

    Qu'est-ce qu'on peut espérer trouver dans de telles profondeurs ?

    On a déjà observé de petits animaux en dessous de 2 500 mètres, le long des montagnes sous-marines, qui vivent autour des sources hydrothermales. Ils ont été découverts en 1977 par des Américains. Il faut toutefois savoir qu'en dessous de 800 mètres, on trouve peu d'animaux, si ce n'est des cachalots qui peuvent descendre au-delà de 1000 mètres, mais c'est rare. Dans ces profondeurs, il y a une obscurité totale, notamment autour de ces sources hydrothermales qui sont chargées de sulfure et où se développent énormément de bactéries. Beaucoup d'animaux s'en nourrissent. D'ailleurs, je me souviens de la découverte d'un ver géant - plus d'un mètre -, mais aussi de petits poissons : des anguilles, des poulpes, des crabes et de nombreuses espèces nouvelles.

    À quoi peuvent-elles ressembler ?

    La vie est apparue dans les océans il y a quelque trois milliards d'années. Une durée considérable qui a permis l'émergence d'une grande diversité de formes capables de s'adapter à différents milieux. En théorie, les grandes profondeurs marines sont très difficiles à explorer, mais grâce aux sous-marins, on a pu découvrir des animaux étonnants, aux adaptations géniales, comme la Galathée yéti (un crustacé velu), qui justement vit près des sources hydrothermales, et dont les soies couvrant les pattes abritent des bactéries.

    Peut-on imaginer rencontrer des animaux touchés par le gigantisme, tel le poulpe géant de « 20 000 lieues sous les mers » de Jules Verne ?

    Dans les profondeurs, il y a de la vie partout, même à plus de 10 km de profondeur. Il y a une activité biologique intense. Il y a probablement des grands animaux, mais très peu. Lorsque dans les années soixante, Jacques Piccard a effectué plusieurs plongées dans l'océan avec le Bathyscaphe Trieste. À bord de celui-ci, il a battu le record du monde de plongée sous-marine en atteignant la profondeur de 10 916 m dans la fosse des Mariannes. Je me souviens d'une photo publiée à l'époque qui représentait une sorte de poisson plat assez grand, mais était-ce une ombre, un artéfact, personne ne sait… Les Japonais ont conçu un robot qui a plongé à de telles distances, mais il l'avait perdu lors de sa remontée. Je sais aussi que les Néo-Zélandais ont trouvé à 7 000 mètres de profondeur un amphipode de plus de 30 cm de long, ce qui est assez remarquable. Le gigantisme est assez courant, comme en effet le calmar géant mais pas visible en dessous de 1 200 mètres.


    À la conquête des profondeurs

    L'exploration sous-marine, par des moyens autres que la plongée libre, a été pratiquée par les pêcheurs de nacre, de corail et d'éponge et remonte au IVe siècle avant notre ère.

    Le premier scaphandre. Au XVIIIe siècle, le professeur français Fréminet habille le plongeur d'un casque muni d'un hublot, alimenté en air depuis la surface et possédant en son sommet une soupape d'évacuation de l'air vicié. La stabilité du plongeur est assurée par des semelles en plomb. Il faudra attendre 1819 pour que le scaphandre prenne sa forme définitive. Mais Auguste Denayrouze est, avec Benoît Rouquayrol, l'un des inventeurs du scaphandre autonome en 1864. Symbole de la plongée autonome, le réservoir-régulateur Rouquayrol-Denayrouze, est conservé au Musée du Scaphandre à Espalion (Aveyron).

    Le premier engin d'exploration subaquatique. Le premier engin à atteindre une profondeur de 907 m a été réalisé par le biologiste américain William Beebe, en 1934. La bathysphère est un appareil non autonome : elle ne peut contrôler sa descente, et sa remontée se fait au moyen d'un câble qui la maintient en contact avec la surface.


    "Une terra incognita"

    Quel est cet endroit du globe où James Cameron a plongé ?

    C'est la célèbre Fosse des Mariannes, près du Japon qui est un endroit extraordinaire, où l'on trouve les points les plus profonds du globe terrestre. A cet endroit, la plaque pacifique plonge sous la plaque philippine.

    Quelles sont les caractéristiques de telles profondeurs ?

    Tout d'abord, la pression est gigantesque, monstrueuse. Ensuite, on est dans le noir absolu, la lumière du soleil est totalement absente. C'est vraiment une « terra incognita », des régions que l'homme ne connaît absolument pas.

    Y trouve-t-on des formes de vie ?

    Oui, mais ce sont des formes de métabolismes très particuliers, qui fixent le soufre, par exemple. Des organismes très différents de ce que nous connaissons.

    Cette exploration est-elle dangereuse ?

    C'est un endroit où peuvent survenir des séismes à tout moment. Et là, tout peut arriver.