• Peut-on boire l'eau de pluie ?

    Qu'est-ce que l'eau de pluie ? Peut-on la boireLa question

     Qualité de l'eau de pluie

    • Formation de l'eau de pluie

    La formation de l'eau de pluie résulte de la condensation de l'eau contenue dans l'air. Cette condensation contient des particules et des gaz provenant du milieu naturel, de l'activité industrielle, de la combustion des produits fossiles riches en soufre et de la circulation automobile. Même sans pollution, en raison de sa teneur en dioxyde de carbone CO2 toujours présent dans l'atmosphère, la pluie est naturellement acide. Ces gaz circulent dans l'atmosphère, se dissolvent dans la vapeur d'eau et se transforment en acides (notamment sulfurique et nitrique) au contact de l'eau :

    • L'oxyde d'azote formera de l'acide nitreux HNO2 et de l'acide nitrique HNO3.
    • Le dioxyde de soufre produit de l'acide sulfureux H2SO3 qui s'oxyde dans l'air en acide sulfurique H2SO4.

    C'est ainsi que la pluie acquiert naturellement son caractère légèrement acide.

    Origine de l'acidité de l'eau de pluie

    Le dioxyde de soufre (SO2) est émis principalement par la combustion énergétique et industrielle, les oxydes d'azote (NOx) sont issus du transport routier et dans la moindre mesure de la production électrique et industrielle. L'ammoniac a quant à lui pour origine principale l'agriculture.


    Cycle de l'eau

    • Composition moyenne de l'eau de pluie stockée

    L'eau de pluie est composée pour l'essentiel de sulfate, de sodium, de calcium, d'ammonium et contient même des nitrates à l'état de traces. La concentration des composés de l'eau de pluie varie en fonction de la géographie, mais également en fonction des caractéristiques environnementales du lieu concerné.

    Dans l'analyse qui suit, on peut voir les valeurs moyennes de l'eau de pluie stockée dans une citerne en béton en comparaison aux normes pour l'eau potable.

    Paramètres Valeur moyenne
    pour l'eau de pluie
    Normes pour
    l'eau potable
    pH 5,5 à 8 6,5 à 8,5
    Conductivité (µS/cm) 90 < 2100
    Nitrates (mg/L de NO32-) 1,5 < 50
    Ammonium (mg/L de NH4+) 0,022 < 0,1
    Chlorures (mg/L de Cl-) 6,5 < 250
    Sulfates (mg/L de SO42-) < 8 < 250
    Magnésium (mg/L de Mg) 0,21 < 50
    Zinc (mg/L de Zn) 466 < 5000
    Fer (mg/L de Fe) < 50 < 200
    Cadmium (µg/L de Cd) < 10 < 5
    Plomb (µg/L de Pb) < 50 < 25
    Comparaison entre l'eau de pluie stockée dans une cuve en béton
    et les normes de l'eau potable

    .Variabilité de la qualité de l'eau de pluie

    Il y a un lien naturel entre la qualité de l'air atmosphérique et la qualité de l'eau de pluie. Comme on l'a vu plus haut, les différences de qualité de l'eau de pluie dépendent principalement de l'influence des zones industrielles où l'atmosphère se trouve particulièrement chargée en gaz et en particules émises par l'activité routière et industrielle.

    On peut cependant noter quelques caractéristiques régionales, marquées par la géographie. Aux abords de l'océan atlantique et de la mer méditerranéenne par exemple, l'eau de pluie a une concentration plus marquée en chlorures, potassium, calcium, magnésium et sodium.

    Dans les analyses de la pluviométrie, le pH est le premier paramètre analysé, sans doute parce qu'il est le plus simple à mesurer. Sur une même région, l'acidité de l'eau de pluie peut varier d'un pH 4 à un pH 7. De par l'influence maritime et l'absence d'activité industrielle, l'eau de pluie peut avoir un pH variant de 7 à 8.


    Mesure de la pluviométrie

    Au Nord-Est de la France, fortement exposé aux pluies acides, le pH oscille entre 4 et 6 du fait de la présence de dioxyde de soufre dans l'atmosphère et d'oxyde d'azote émis principalement par l'activité routière et les industries très concentrées dans cette région. En revanche, dans le Sud-Est de la France et en dehors des zones urbaines et industrielles, on atteint généralement des valeurs proches de 7. Les régions les plus ouvertes à la façade maritime ont quant à elles une eau de pluie très faiblement acide avec un pH proche de la neutralité. Par contre, les maxima peuvent être atteints dans d'autres régions que le Nord, comme le département de l'Ardèche qui a une pluie très acide, soit un pH de 3,8.

    Analyse de l'eau de pluie en France

    Deux réseaux internationaux de mesure de la qualité des eaux de pluie existent en France. Ils ont pour but de mesurer la composition chimique des eaux de pluie collectées à des fréquences différentes.

    • Le réseau GAW/BAPMoN (Global Atmospheric Watch/Background Air Pollution Network), géré par Météo-France et coordonné par l'OMM (Organisation Mondiale de la Météorologie). Il analyse plus particulièrement le pH, la conductivité électrique, les ions majeurs (Na, Ca, Mg, K, SO4, N03, Cl, NH4) et l'acidité-alcalinité.
    • Le réseau MeRA (Mesures des Retombées Atmosphériques), géré par l'Ademe et l'Ecole des Mines de Douai, inclus dans le programme européen EMEP (European Monitoring Evaluation Programm). Il est similaire au premier sauf qu'il analyse en plus les métaux lourds (Hg, Pb, Cd, Zn, Cu, As, Ni, Cr).

    L'eau de pluie est-elle potable ?

    On est forcé de constater qu'il n'existe pas de normes de qualité pour l'eau de pluie, puisqu'elle n'est en principe pas utilisable à l'état brut. Elle est considérée comme une eau "non potable" d'autant plus que sa qualité est variable en fonction des régions et non maîtrisable pour la plupart des utilisateurs. Les analyses de l'eau de pluie reprennent les paramètres utilisés pour l'eau potable.

    Les analyses réalisées par les organismes français montrent des différences de composition entre l'eau de pluie et l'eau potable ; les teneurs de certains composés différent. Si on se limite aux paramètres physico-chimiques, on constate que ceux-ci sont de teneur plus faible dans l'eau de pluie que dans l'eau potable. Par contre, si l'on considère l'ensemble des critères de qualité organoleptique, toxicologique et microbiologique, on peut dire que l'eau de pluie à l'état brut ne présente pas une qualité suffisante pour être considérée comme une eau potable que l'on peut consommer sans risque. Mais un traitement spécifique et adapté aux résultats d'analyses permettrait d'obtenir une eau "consommable".

    Alors qu'une association belge dans le domaine de la revalorisation des eaux pluviales à publié en avril 2004 une étude intéressante sur la teneur en différents ions de l'eau du commerce et de l'eau de pluie filtrée.

    Marque K+
    Potassium
    Marque Ca2+
    Calcium
    Marque Na+
    Sodium
    Valvert 0,2 Mont Roucous 1,2 Valvert 1,9
    Mont Roucous 0,4 Spa reine 3,5 Mont Roucous 2,8
    Spa reine 0,5 Saint Martin 6,4 Spa reine 3
    Saint Martin 0,5 Eau de pluie filtrée 7,2 Saint Martin 3
    Eau de pluie filtrée 0,7 Volvic 9,9 Cristaline 4,4
    Évian 1 Spa Marie-Henriette 11 Vittel 4,7
    Spa Marie-Henriette 1,3 Bru 23 Eau de pluie filtrée 4,9
    Presby 1,5 Cristalline 63 Évian 5
    Cristalline 1,6 Chaudfontaine 65 Presby 7
    Chaudfontaine 2,5 Valvert 67,6 Bru 8
    Contrex 3,2 Cristalline 70 Contrex 9,1
    Volvic 5,7 Évian 78 Volvic 9,4
    Badoit 10 Presby 84 Spa Marie-Henriette 10,5
    CMA* 12 L'Oiselle 164 San Pellegrino 42
    L'Oiselle 21 Badoit 190 Chaudfontaine 44
    Cristalline 21 Vittel 202 L'Oiselle 86
    Bru 105 San Pellegrino 208 Cristalline 99
    San Pellegrino ? CMA* 270 Badoit 150
    Vittel ? Contrex 486 CMA* 150
    Résultat d'une étude belge sur la teneur en différents ions
    entre eau de pluie et différentes marques

    Cette étude montre que l'eau de pluie est bien placée dans le classement et, que pour ces trois ions, elle est bien plus basse que la Concentration Maximale Admissible (CMA) à la sortie des installations de traitement pour les eaux de potables distribuées par canalisation.

    Une autre association belge a fait une analyse sur l'eau stockée dans une citerne avec une filtration adaptée :

      Avant traitement Normes maximales
    pour une eau potable
    pH (acidité basicité) 7 à 8 6,5 à 9,2
    rH2 (oxydo réduction) 28 à 29  
    Dureté totale ± 5° F (± 50 mg de carbonate de calcium - CaCO3/L) 67° F
    Minéralisation globale ± 80 mg/L   1 500 mg/L
    Ca2+ (calcium) 21 mg/L 270 mg/L
    Na+ (sodium) 1,6 mg/L 150 mg/L
    K+ (potassium) 0,8 mg/L 12 mg/L
    SO42- (sulfate) 9,5 mg/L 250 mg/L
    Cl- (chlorure) 9 mg/L 200 mg/L
    NO3- (nitrate) 6 mg/L 50 mg/L
    Bactéries banales Grand nombre Absence
    Bactéries pathogènes Parfois petit nombre Absence
    Résultat de l'analyse belge de l'eau stockée dans une citerne en béton

    Cette étude indique clairement que l'eau de pluie stockée est déjà proche d'une eau potable et même bio-compatible, sans aucun traitement. On voit aussi qu'une petite réduction du pH (acidité) obtenue par un séjour dans une citerne en béton et une filtration appropriée pour se débarrasser des bactéries suffisent pour atteindre l'objectif d'une eau potable à partir de l'eau de pluie récupérée. D'autres études réalisées par d'autres organismes dans d'autres régions ou pays montrent des résultats similaires.

    Il existe des technologies pouvant être utilisées de manière individuelle pour traiter une eau de qualité. Cependant, les technologies employées ne sont fiables que si elles sont correctement utilisées et le matériel rigoureusement entretenu. Un particulier doit réaliser une surveillance périodique et des analyses régulières comparables à celles appliquées à l'eau de distribution pour sécuriser correctement la consommation de l'eau de pluie traitée. Surtout que sa responsabilité serait engagée en cas d'imprudence ou d'accident.

    Pourquoi récupérer et utiliser l'eau de pluie ?

    L'utilisation de cette eau "naturelle" est une pratique ancienne et de nombreuses citernes qui étaient autrefois destinées à l'arrosage ou à des usages domestiques sont encore visibles aujourd'hui dans nos maisons de campagnes.

    Il semble évident que certains usages que l'on fait de l'eau ne nécessite pas une qualité comparable à celle de l'eau potable. Comme c'est le cas pour les toilettes par exemple où l'eau potable est continuellement contaminée au contact de la cuvette. Pourtant la législation Française indique très clairement que l'utilisation d'eau de qualité dit "potable" est requise pour tous les usages domestiques compte tenu des risques sanitaires pouvant exister (Article R.1321-1 du Code de la santé publique).

    Alors que l'eau de pluie est de plus en plus utilisée tant pour l'arrosage que pour certains usages domestique, la législation n'a pas suivi l'évolution des récentes pratiques.

    L'eau potable coûte de plus en plus cher. Dans un souci d'économie, mais également d'écocitoyenneté, il semblerait alors raisonnable de s'appuyer sur ces nouvelles pratiques déjà bien développées dans de nombreux pays d'Europe comme l'Allemagne et la Belgique. Afin de ne pas payer au prix fort l'eau qui sert à alimenter les toilettes, à arroser le jardin, laver sa voiture ou d'autres encore.

    En partant d'une installation conforme qui respecte un certain nombre de précaution dans le fonctionnement, le principe de la récupération est simple. L'eau est captée à partir des toitures, puis pré-filtrée et stockée dans une citerne pour ensuite être pompée, refiltrée et pour finir être distribuée vers les postes alimentés.

    • Les usages possibles

    L'eau de pluie est une ressource inépuisable (bien qu'irrégulière). La stocker permet de profiter d'une eau gratuite et de conserver une autonomie en eau en cas de sécheresse prolongée ou aux restrictions de plus en plus fréquentes.

    Le premier usage qui vient à l'esprit est pour l'arrosage du jardin, mais sans traitement préalable pour la rendre potable. L'eau de pluie peut avoir de multiples usages : WC, arrosage du jardin, remplissage de la piscine, nettoyage des surfaces, lavage des véhicules.

    L'autonomie peut être totale si vous décidez de faire la potabilisation de l'eau de pluie après sa récupération. Par contre, il n'est pas autorisé devant la loi d'utiliser l'eau de pluie pour des usages alimentaires (boissons, préparation d'aliments) ou usages sanitaires (lave-vaisselle, lave-linge, douches, lavabos). Aujourd'hui en France, aucune étude évaluant les risques éventuels pour les personnes utilisant ce dispositif n'a été approfondi de la part de l'État. Aucune loi claire sur les installations de ce type de système n'existe, alors que cela fonctionne en Belgique et en Allemagne. L'État se base sur les quelques résultats des différents organismes de santé. La responsabilité du particulier reste donc entière en ce qui concerne les obligations légales induites par l'installation d'un tel système. Vous devenez de facto distributeur d'eau de votre habitation avec les obligations sanitaires correspondantes :

    • Déclaration à la DDASS.
    • Séparation totale du réseau d'eau potable.
    • Identification claire du réseau d'eau de pluie.
    • Suivi de la qualité de l'eau par analyses (physico-chimiques et bactériologiques) régulières effectuées par un laboratoire hydrologique départemental agréé ou ayant les moyens d'analyse analogues.
    • Entretien rigoureux du matériel.
    • L'aspect économique

    L'eau de pluie est gratuite alors que l'augmentation du prix de l'eau potable est continue et inéluctable (environ + 10 % par an). Donc utiliser l'eau de pluie permet de réduire sa consommation d'eau potable et permet de réaliser des économies substantielles.

    L'eau de pluie est douce et non calcaire, donc pas d'entartrage. L'utilisation de l'eau de pluie permet donc également de réduire l'utilisation des produits de lavage, environ 40 à 60 % l'usage de savon ou d'anti-calcaire. Mais s'ajoutent les économies réalisées sur l'entretien des canalisations qui ne seront pas nécessaire, préservation de vos plomberies, robinetteries, augmentation de la durée de vie du cumulus et des appareils électroménagers (machines à laver, fer…)

    Et enfin, on peut noter aussi la plus value apportée à l'habitat dans le contexte actuel où on encourage la diminution de consommation énergétique et d'eau.

    • Les aspects environnementaux

    La récupération de l'eau de pluie permet une démarche d'écocitoyenneté. L'utilisation de l'eau de pluie permet de nombreux avantages :

    • La diminution des prélèvements des eaux souterraines et de surface dans la mesure où la revalorisation de l'eau de pluie est largement pratiquée.
    • L'allègement du réseau de distribution.
    • La réduction des rejets d'eau pluviale dans le réseau urbain, lorsque l'eau est récupérée et infiltrée dans la parcelle (cette réduction de rejet contribue à limiter les risques d'inondation lors de fortes précipitations).
    • La baisse d'utilisation de savon et de produits d'entretien pour le lavage des surfaces ou des véhicules. Il est de même pour l'anti-tartre utilisé pour les WC.
    • L'alternative aux restrictions de consommation d'eau lors des périodes estivales.
    • L'utilisation de l'eau de pluie préalablement récupérée pour les besoins extérieurs de la maison évite la consommation d'eau potable.