• Tout savoir sur la correspondance

    1 : la pluralité sémantique de mot « correspondance »

    - Lien (entre des personnes) par lettres, téléphone ou courrier électronique

     - Ensemble de lettres (échangées entre des personnes).

     Publier une correspondance.

    Rapport de concordance ou d'analogie (entre deux ou plusieurs choses) .

      Une correspondance entre logiciels.

    - Échange de lettres.

      Une correspondance quotidienne.

    - Liaison entre deux lignes, deux directions ou deux moyens de transport.

      Pour la correspondance, emprunter le passage souterrain.

    - Moyen de transport qui assure, grâce à la concordance des horaires, une liaison (avec un autre moyen de transport).

      Rater la correspondance.

    - Article rédigé par une personne chargée de recueillir des informations pour le compte d'un journal.

     Sydney, correspondance.

    - Communication (entre deux lieux).

      Il n'y a pas de correspondance aérienne entre les deux régions.

    La correspondance (littérature), échange de lettres entre deux personnes. Si la correspondance suppose un lecteur, en fonction duquel l'auteur adapte sa lettre, elle peut aussi, à des degrés divers, viser un public : les Provinciales (1656-1657), de Pascal, ou les « lettres ouvertes » des essayistes contemporains sont des lettres d'emblée écrites en vue de la publication.

    La rhétorique de la lettre a été codifiée dès l'Antiquité, qui en fait l'expression par excellence de la personne privée, dans un style bref et simple, par opposition à l'ampleur et à l'apparat du discours publique. Les correspondances de Cicéron, Sénèque et Pline le Jeune constituent ainsi de précieux documents authentiques formant la chronique d'une époque. Les épistoliers du Moyen Âge écrivent pour un public plutôt que pour un destinataire : la lettre est une dissertation pieuse, politique ou historique, où la dimension privée s'efface entièrement derrière l'éloquence. Contre le formalisme médiéval et la lettre d'apparat, la Renaissance revendique le droit au naturel et à la liberté : les lettres de Montaigne ou d'Érasme sont des conversations simples avec leur destinataire. AuXVIIe siècle, la lettre est plus familière, parfois rédigée sur le ton de la confidence ou du journal intime (Bussy-Rabutin, Voiture, Mme de Sévigné). Au XVIIIe siècle, favorisée par une poste devenue efficace et sûre, elle devient une conversation mondaine différée, instrument essentiel de la vie littéraire et scientifique. La recherche inventive, le choix des anecdotes, l'humour et le dosage savant des émotions en font une œuvre véritable, qui passe rapidement du destinataire au public. Voltaire, dont on a recueilli quelque dix-huit mille lettres, est le plus grand épistolier de son siècle. Alors que la lettre était autrefois une sorte de journal des affaires du temps, envoyé au destinataire lointain et isolé, elle perd cette raison d'être avec l'apparition du journal, et se déplace alors vers les affaires et les sentiments intimes, jusqu'au lyrisme parfois. Occasion de jouer un rôle variable selon le correspondant mais aussi d'écrire ce qu'on n'a jamais osé dire, la pratique épistolière, de ce fait, n'est pas forcément menacée par les autres moyens de communication comme le téléphone. La lettre est aussi un jeu social : le réseau des correspondants forme un groupe, une coterie ou une école littéraire (voir les correspondances de Rivière, Paulhan et des auteurs de la Nouvelle Revue française). Les correspondances privées ou professionnelles d'auteurs célèbres viennent s'ajouter, souvent de manière posthume, à leur œuvre complète. La critique érudite va y chercher un témoignage de première main qui permet d'éclairer l'œuvre officielle, soit en apportant des informations biographiques, soit en donnant accès aux « coulisses » de la création au quotidien. La correspondance de Flaubert par exemple constitue le véritable laboratoire de son écriture, où l'auteur parle de « sa » Bovary, prend du recul sur son texte et s'interroge sur ses effets (voir encore les correspondances de Diderot, Balzac, Mallarmé, Proust, etc.). Le lecteur public revendique une entrée privilégiée dans l'intimité intellectuelle de l'auteur, et l'intérêt pour les correspondances d'écrivain apparaît en même temps que se répand le goût du texte original, du manuscrit ou même du billet autographe. La question se pose parfois de savoir dans quelle mesure l'épistolier compte sur une réception publique de ses lettres : la correspondance de Mme de Sévigné (voir Lettres), par exemple, est-elle un chef-d'œuvre involontaire ou programmé ? Reste que, compte tenu du fonctionnement de l'institution littéraire, un auteur confirmé sait pertinemment que toutes les pièces de sa correspondance attireront tôt ou tard la curiosité d'un chercheur ou la convoitise d'un collectionneur. Le ton et le contenu de sa correspondance peuvent s'en trouver affectés. Enfin, la lettre peut être une forme littéraire à part entière quand l'auteur fait parler des correspondants fictifs (les Lettres persanes, 1721, de Montesquieu), et, dans le cas du « roman par lettres », quand une correspondance permet la peinture des caractères et la progression d'une intrigue : Rousseau (la Nouvelle Héloïse, 1761), Goethe (les Souffrances du jeune Werther, 1774), Laclos (les Liaisons dangereuses, 1782), Senancour (Oberman, 1804) ont écrit les classiques du genre ; les Lettres portugaises (1669), de Guilleragues, longtemps prises pour des documents authentiques rédigés par une religieuse et simplement rassemblées par l'éditeur, représentent un cas-limite.

    L'échange de lettres, ou correspondance, est un usage social, dont les formes sont plus ou moins codifiées, mais c'est également un genre littéraire. En principe, la communication s'établit entre deux personnes : l'auteur de la lettre et son destinataire, cependant dans bien des cas elle peut s'élargir. C'est donc un genre très souple, que chaque époque adapte à ses besoins.

    Quels sont les différents types de lettres ? Quelle est la place de la correspondance dans la littérature

    2. Les types de correspondance

    2.1. Les lettres commerciales et administratives

    L'objectif des lettres professionnelles, commerciales ou administratives, est l'efficacité : elles doivent être concises et claires et se conforment à des modèles précis (mention de la date, identification du récepteur : Monsieur le Directeur, Cher client, etc. ; objet de la lettre, etc.). Les formulations et le vocabulaire y sont strictement codifiés.

    2.2. Les lettres rituelles

    On les envoie traditionnellement pour inviter, remercier, féliciter, faire parvenir des vœux ou des condoléances, etc. Lorsqu'elles ne s'adressent pas à des intimes, elles reproduisent la plupart du temps des formules toutes faites : Bonne et heureuse année, Tous mes meilleurs vœux, etc.

    3.3. Les lettres intimes ( personnelles)

    Elles peuvent être conventionnelles et respecter des codes, en particulier pour l'adresse (Chère Madame, Mon cher ami, Cher cousin, etc.) et pour la formule de politesse finale (Bien amicalement, Je vous embrasse affectueusement, etc.).Dans ce cas, elles adoptent un registre plutôt soutenu. Elles peuvent aussi être tout à fait libres et inventives, allant du simple billet écrit à la hâte au long récit détaillé ou à une sorte de journal de ses impressions et de ses sentiments.

    3.4. La correspondance électronique

    Ce nouveau mode de communication suscite des échanges rapides de messages. Moins formel, plus immédiat et sans doute plus facile que la correspondance traditionnelle, sur papier, le courrier électronique crée une « conversation permanente » entre des personnes parfois très éloignées. Il favorise un nouveau mode d'écriture, qui comporte des abréviations, des néologismes, des combinaisons d'images et de signes. Il est utilisé aussi bien professionnellement que de façon privée.

    3. Les fonctions de la lettre

    3.1. La fonction référentielle

    Pour communiquer, l'auteur et le destinataire de la lettre doivent pouvoir partager desréférences communes. Dans la correspondance intime, les références sont d'ordre personnel : souvenirs communs, sentiments partagés, lieux connus.

    Ex. : « Vous me parlez de mon départ. Ah ! ma chère fille ! je languis dans cet espoir charmant. Rien ne m'arrête que ma tante qui se meurt de douleur et d'hydropisie. Elle me brise le cœur par l'état où elle est. » (Mme de Sévigné, lettre à Mme de Grignan, 16 mars 1672)

    3.2. La fonction incitative

    Le destinataire d'une lettre est désigné par son nom, son prénom ou son titre (Monsieur le Président), et dans le corps de la lettre, par des pronoms de la deuxième personne (vousou tu). La lettre professionnelle incite souvent à agir (s'abonner, payer une facture, répondre à une demande, etc.). La lettre intime elle-même peut être incitative  en exprimant conseils, invitation, recommandations, etc.

    Ex. : « Écrivez-nous, je vous prie, pour nous rassurer après tant de silence ». (René Étiemble, lettre à Jules Supervielle, 30 octobre 1939)

    3.3. La fonction expressive.

    Ce qui caractérise la lettre intime, c'est sa fonction expressive. L'auteur emploie la première personne, exprime ses émotions et ses sentiments.

    Ex. : « Je suis assez effrayé d'écrire des pages aussi souriantes en ce moment où tout est si sombre. Je me demande comment je fais. Sans doute est-ce pour fuir l'épouvante, la tristesse et la honte de ces derniers temps. » (Jules Supervielle, lettre à René Étiemble, septembre 1940)

    4. La correspondance dans la littérature

    4.1. La publication des correspondances

    La correspondance peut être publiée au titre de témoignage historique : c'est le cas par exemple des Lettres de Poilus, ces soldats de la guerre 1914-1918.

    On publie également les lettres émanant d'écrivains (Prosper Mérimée, Gustave Flaubert, George Sand, Paul Claudel, André Gide, Guillaume Apollinaire), qui ont parfois de grandes qualités littéraires. Ces correspondances permettent de compléter la connaissance que l'on a d'eux. On a ainsi conservé celles de Cicéron et de Saint Augustin et retrouvé les quelque 18 000 lettres de Voltaire.

    4.2. Le cas Sévigné

    La plus célèbre des épistolières est sans doute Mme de Sévigné (1626-1696). Ses lettres à sa fille (Mme de Grignan), publiées trente ans après sa mort, constituent sa seule œuvre. Écrites sur le mode de la conversation mondaine, elles se font l'écho de la vie d'une femme cultivée au xviie siècle.

    « Si vous me demandez comme je me trouve ici après tout ce bruit, je vous dirai que j'y suis transportée de joie […]. J'ai un besoin de repos qui ne se peut dire. J'ai besoin de dormir. J'ai besoin de manger (car je meurs de faim à ces festins). J'ai besoin de me rafraîchir. J'ai besoin de me taire. […] Mme de La Fayette vous aura mandé comme M. de la Rochefoucauld a fait duc le prince son fils, et de quelle façon le Roi a donné une nouvelle pension. Enfin, la manière vaut mieux que la chose, n'est-il pas vrai ? Nous avons quelquefois ri de ce discours commun à tous les courtisans. » (Mme de Sévigné, lettre à Mme de Grignan, du 19 août 1671)

    4.3. Le roman par lettres

    Certaines œuvres prennent la forme d'une seule longue lettre, ce qui permet à l'auteur de développer son point de vue. Dans la Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758), Jean-Jacques Rousseau exprime son opinion sur le théâtre et sur la société. Dans la Lettredu voyant (1871), Arthur Rimbaud développe sa conception de la poésie.

    Le roman épistolaire se présente sous forme de lettres fictives, dont les auteurs sont les personnages du récit. Dans les Lettres persanes (1721), Montesquieu imagine la correspondance de deux Persans qui visitent la France, Rica et Usbeck. Tout en racontant leur voyage, ils critiquent indirectement les mœurs et le gouvernement français.

    Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, ne sont constituées que de lettres : on apprend à travers elles les projets des personnages et leurs péripéties.

    « Vous paraissez vous faire un grand mérite de votre dernière scène avec la Présidente ; mais qu'est-ce donc qu'elle prouve pour votre système ou contre le mien ? Assurément, je ne vous ai jamais dit que vous aimiez assez cette femme pour ne la pas tromper […]. » (Choderclos de Laclos, les Liaisons dangereuses, lettre 141, de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont).