• Valeurs des temps

    Les valeurs temporelles des verbes

     

     

    Les verbes expriment ce qu’il est convenu d’appeler des procès. Selon que les procès sont en eux-mêmes, notionnellement, bornés ou non bornés, on distingue deux types de procès : les procès dits perfectifs et les procès dits imperfectifs.

    • Les procès perfectifs
    • Les procès imperfectifs
    • Le présent
    • Le passé composé
    • L’imparfait
    • Le futur
    • Le conditionnel
    • Le passé simple
    • Compléments: la distinction entre récit et discours, les verbes composés

    Les procès perfectifs (conclusifs, hétérogènes, terminatifs, bornés)

    • Accomplissements : traverser la rue, fumer une cigarette, tracer un cercle,
    • Achèvements : mourir, naître, trouver une solution, entrer, sortir, atteindre le sommet,

    L’aspect perfectif envisage le terme du procès, et ce procès n’a d’existence complète et véritable que lorsqu’il est parvenu à son terme.

    Les procès imperfectifs (non conclusifs, homogènes, non terminatifs, non bornés)

    • Activités : parler, marcher, courir, chercher une solution,
    • États : verbe être + adjectif.
      • Exemples : être écrivain, être malade, être en colère.

    L’aspect imperfectif envisage le procès dans son déroulement, sans visée de terme final. Il n’a aucune frontière intrinsèque. Le procès ne s’achève que par l’action d’une cause étrangère à son contenu notionnel.

    Le présent

    Le présent est « toujours là » pour nous : nous vivons dans un perpétuel présent, dans une actualité perpétuelle, qui s’identifie à la permanence de notre être.
    Il est insaisissable : l’instant présent nous échappe toujours entre ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore. Il indique un événement ou un état de choses contemporains de l’acte d’énonciation, et ce procès est présenté comme vrai par le locuteur au moment de l’énonciation.

    Un énoncé au présent étendu, toujours centré sur le point d’énonciation, occupe un espace de temps plus ou moins large en fonction du sens lexical du verbe, du procès dénoté et des indicateurs temporels.

    Un énoncé au présent peut évoquer l’aspect itératif avec un complément de temps approprié : il mange souvent / parfois des spaghettis. En cas de répétition du procès, on parlera de « présent d’habitude ».

    Un énoncé au présent est dit permanent quand il occupe un espace de temps très large, englobant le passé et l’avenir. Cette valeur omnitemporelle (ou panchronique) se rencontre dans les définitions, les vérités générales, les maximes, les morales.

    Exemples :

    • La vérité n’admet pas le mensonge.
    • L’appétit vient en mangeant.

    Un énoncé au présent peut évoquer le passé ou l’avenir si le procès se situe avant ou après le point d’énonciation grâce à un complément circonstanciel de temps ou par des connaissances contextuelles ou situationnelles. L’énoncé est relié au présent, mais le procès est décalé dans l’avenir ou le passé.

    Exemples :

    • Je sors à l’instant du lycée.
    • Il pleut depuis deux jours.

    Le présent historique ou de narration évoque un procès complètement situé dans le passé.

    Exemple :

    • En 1789, la France connaît une grande Révolution.

    Le présent prophétique, dont le visionnaire voit l’avenir dans le présent (emploi plus rare).

    Exemple :

    • En 2050, la Camargue est sous eaux.

    Le passé composé

    Il évoque une action accomplie que l’on situe dans le passé. Par rapport au temps de l’énonciation, j’évoque le passé. On parlera alors d’état résultat ou de constat de l’actualité.

    • Exemple : J’ai gagné le rallye de Hongrie.
    • Nous sommes ici dans un état résultat puisque le passé composé nous donne un constat d’une actualité : je suis vainqueur du rallye.
    • Jean est mort.

    Il évoque un passé psychologiquement non coupé de l’énonciation. On parlera d’aoriste du discours. L’aoriste évoque les événements détachés par rapport à l’énonciation. C’est de la narration dans le discours. Cela équivaut approximativement parlant à un passé simple.

    Exemples :

    • Hier, je me suis cassé la jambe.
    • Nous avons perdu cent euros depuis la semaine dernière.
    • Il a perdu la vue après la Seconde Guerre mondiale.

    Il peut évoquer un futur plus ou moins proche. Le passé composé d’un verbe perfectif associé à un complément de temps marquant une durée précise présente l’action comme inéluctable et rapide, en l’envisageant dans l’avenir comme déjà accomplie.

    • Exemple : J’ai fini dans une minute !

    L’imparfait

    • Aspect non-accompli.
    • Arrière-plan sur lequel un événement se détache (décor).
    • C’est un présent dans le passé. On est plongé au cœur du moment, au cœur de l’événement.
    • Il a besoin d’un antécédent car l’imparfaitest un temps non autonome. On dit que c’est un temps « anaphorique » puisqu’il reprend l’antécédent.

    Il existe plusieurs types d’imparfait :

    • Imparfait de perspective
      • Associé à un complément circonstanciel, il exprime un fait postérieur à l’indication temporelle.
      • Exemple : Le lendemain, Pierre épousait Marie.
    • Imminence contrecarrée
      • Associé à un complément circonstanciel qui dénote un moment situé dans l’avenir par rapport à un fait passé (1)ou une cause empêchant la réalisation d’un procès (2).
      • Exemples :
        • Une minute plus tard, le train déraillait.(1)
        • Si le conducteur n’était pas intervenu, le train déraillait.(2)
      • Imparfait avec si
        • Si je pouvais…: expression d’un regret.
        • Si nous commencions l’examen…: expression d’une suggestion.
        • Si vous pouviez lire…: expression d’un souhait.
      • Imparfait hypocoristique
        • Le locuteur use de la troisième personne du singulier afin de s’adresser à un enfant ou à un animal familier. Dès lors, le procès est rejeté fictivement dans le passé et grâce à la troisième personne, il crée un effet de distanciation du locuteur qui permet d’atténuer ses propos.
        • Exemple : On n’était pas sage aujourd’hui ?
      • Imparfait d’habitude
        • Caractère itératif du procès.
        • Exemple : Il lisait avant de se coucher.

    Le futur

    Le futur est le temps le plus simple. Il exprime :

    • une projection : Je viendrai demain.
    • une promesse : Je mangerai avec toi comme promis demain.
    • un engagement : Je ferai tout ce qu’on me dira.
    • un ordre : Vous mangerez ce repas, un point c’est tout !

    Le conditionnel

    Le conditionnel est caractérisé comme un futur hypothétique, c’est-à-dire qu’il émet une projection sur l’avenir qui n’est pas certaine. On parle ainsi de potentiel et d’irréel du conditionnel présent.

    • Potentiel : le locuteur considère au moment de l’énonciation le procès comme possible, bien que toutes les conditions ne soient pas réalisées.
    • Irréel : dénote un monde possible qui est ou a été annihilé par le réel.

    Le conditionnel évoque également l’imaginaire / l’opinion illusoire ou encore la précaution journalistique. On prend ainsi une distance par rapport à l’assertion. Exemple : Il se pourrait qu’il déclenche une nouvelle guerre.

    Le passé simple

    Le passé simple est le temps du récit historique par excellence. Pour Émile Benveniste (Problèmes de linguistique générale), le récit est ce qui est détaché par rapport au moment de l’énonciation (cf. manuel d’histoire). Les événements sont indépendants, et ils se racontent d’eux-mêmes.

    Le passé simple présente une sorte d’atomes d’événements réalisés, qui se présentent comme un fait passé, comme psychologiquement très distants.

    Le passé simple a pour vocation de raconter des événements en les organisant en « une colonne vertébrale » de la trame narrative : les événements surgissent et se donnent dans leur totalité, comme d’une seule expression. Deux passés simples successifs sont a priori marqués comme la succession de deux événements.

    Il s’emploie souvent avec les procès perfectifs, mais il arrive que certains procès imperfectifs s’emploient avec le passé simple, ce qui crée un effet de surgissement (effet perfectivant).

    Annexes

    La distinction entre récit et discours

    Le discours

    Il est lié à l’énonciateur, à la situation d’origine. C’est une deixis, un hic et nunc, à savoir que l’on situe ici et maintenant. Le discours s’apparente à une situation prise au moment de l’énonciation. Le discours n’est pas coupé du moment de l’énonciation, d’ou l’emploi du présent qui apparaît comme "présent pur" dans la langue orale. De plus, dans le discours, toutes les formes personnelles sont possibles, il n’y a pas de contraintes temporelles. Tous les temps peuvent être utilisés, sauf l’aoriste qui s’apparente davantage au récit.

    Le récit

    Le récit est ce qu’on retrouve dans les ouvrages historiques. Le récit, c’est lorsque les événements sont détachés par rapport à la situation d’énonciation. Ils sont indépendants, et se racontent d’eux-mêmes. Le passé simple, l’imparfait et les formes composées sont les archétypes du récit.

    Les verbes composés

    Ce sont les verbes qui admettent l’auxiliaire être ou avoir plus leur participe passé. Ils sont toujours des procès accomplis par rapport au moment rapporté, et à la situation actuelle résultant de cet accomplissement temporalisé. C’est pour cela que les verbes composés sont accompagnés d’une forme simple lorsqu’il importe de bien marquer leur antériorité.